Introduction au CTMU

par Christopher Michael Langan, © 1998

L’univers réel a toujours été théoriquement traité comme un objet, et plus spécifiquement comme le type d’objet composite appelé ensemble. Mais un objet ou un ensemble existe dans l’espace et le temps, et la réalité non. Parce que l’univers réel contient par définition tout ce qui est réel, il n’y a pas de « réalité externe » (ou d’espace, ou de temps) dans laquelle il puisse exister ou avoir été « créé ». Nous pouvons parler de régions moindres de l’univers réel sous cet angle, mais pas de l’univers réel dans son ensemble. Pour des raisons identiques, nous ne pouvons pas non plus penser l’univers comme la somme de ses parties, car ces parties existent uniquement dans une variété d’espace-temps identifiée avec le tout et ne peuvent pas expliquer la variété elle-même. Cela exclut les explications pluralistes de la réalité, nous obligeant à chercher une explication à la fois monique (parce que non pluraliste) et holistique (parce que les conditions de base de l’existence sont incarnées dans la variété, qui égale le tout). De toute évidence, le premier pas vers une telle explication est de faire coïncider monisme et holisme.

Lorsque l’on théorise une réalité globale, le premier et le plus important principe est le confinement, qui nous dit simplement ce que nous devrions et ne devrions pas considérer. Les principes du confinement, déjà bien connus en cosmologie, prennent généralement la forme de tautologies; par exemple, « L’univers physique contient tout et seulement ce qui est physique ». Le prédicat « physique », comme tous les prédicats, correspond ici à un ensemble structuré, « l’univers physique » (parce que l’univers a une structure et contient des objets, c’est un ensemble structuré). Mais cet usage de la tautologie est quelque peu vague, car il revient techniquement à un équivalent de prédicat-logique de la tautologie propositionnelle appelée autologie, signifiant auto-description. Spécifiquement, le prédicat physique est défini sur le confinement topologique dans l’univers physique, qui est tacitement défini et descriptivement contenu dans le prédicat physique, de sorte que l’auto-définition de « physique » est une opération en deux étapes impliquant à la fois un confinement topologique et descriptif. Tandis que ce principe, que nous pourrions considérer comme une déclaration de « physicalisme », est souvent confondu avec le matérialisme au motif que « physique » égal à « matériel », le matériel peut en fait n’être qu’une partie de ce qui constitue le physique. De même, le physique peut n’être qu’une partie de ce qui constitue le réel. Parce que le contenu de la réalité est une question de science par opposition à la simple sémantique, cette question ne peut être résolue que par des preuves rationnelles ou empiriques, et non par hypothèse seulement.

Un principe de confinement pour l’univers réel peut-il être formulé par analogie avec celui qui vient d’être donné pour l’univers physique ? Essayons donc : « L’univers réel contient tout et seulement ce qui est réel ». De nouveau, nous avons une tautologie, ou plus précisément une autologie, qui définit le réel par inclusion dans l’univers réel, qui est lui-même défini sur le prédicat réel. Cela reflète la dualité sémantique, une équation logique de prédication et d’inclusion par laquelle percevoir ou prédiquer sémantiquement l’attribut d’un objet revient à percevoir ou prédiquer l’inclusion topologique de l’objet dans l’ensemble ou l’espace correspondant dualistement au prédicat. Selon la dualité sémantique, la prédication de l’attribut réel sur l’univers réel depuis l’intérieur de l’univers réel fait de la réalité un prédicat auto-définissant, qui est analogue à un ensemble auto-inclusif. Un ensemble tout inclus, qui est par définition également auto-inclusif, est appelé « l’ensemble de tous les ensembles ». Parce qu’il est aussi bien tout-descriptif qu’auto-descriptif, le prédicat de réalité correspond à l’ensemble de tous les ensembles. Et parce que l’autodéfinition de la réalité implique à la fois un confinement descriptif et topologique, c’est un hybride en deux étapes de l’autologie universelle et de l’ensemble de tous les ensembles.

Maintenant, un petit mot sur les ensembles. Les mathématiciens considèrent la théorie des ensembles comme fondamentale. Tout peut être considéré comme un objet, même un espace ou un processus, et partout où il y a des objets, il y a un ensemble pour les contenir. Ce « quelque chose » peut être une relation, un espace ou un système algébrique, mais c’est aussi un ensemble; sa structure relationnelle, spatiale ou algébrique en fait simplement un ensemble structuré. Les mathématiciens considèrent donc les ensembles, qui comprennent généralement les ensembles vides, singletons, finis et infinis, comme des objets fondamentaux à la base des descriptions significatives de la réalité. Il s’ensuit que la réalité elle-même devrait être un ensemble… En fait, le plus grand ensemble de tous. Mais chaque ensemble, même le plus grand, a un ensemble puissance qui le contient, et celui qui le contient doit être plus grand (une contradiction). La solution évidente : définir une extension de la théorie des ensembles incorporant deux sens de « confinement » qui fonctionnent ensemble de telle sorte que le plus grand ensemble puisse être défini comme « contenant » son ensemble puissance dans un sens tout en étant contenu par son ensemble puissance dans l’autre. Ainsi, il s’inclut topologiquement lui-même dans l’acte de s’inclure descriptivement lui-même dans l’acte de s’inclure topologiquement lui-même, et ainsi de suite, au cours de quoi il devient évidemment plus qu’un simple ensemble.

Dans le Modèle Théorique-Cognitif de l’Univers ou CTMU, l’ensemble de tous les ensembles, et l’univers réel auquel il correspond, prennent le nom (SCSPL) de l’extension requise de la théorie des ensembles. Le SCSPL, qui signifie Langage Auto-configurant Auto-Traitant (Self-Configuring Self-Processing Language), n’est qu’un langage totalement intrinsèque, c’est-à-dire complètement autonome, qui est de façon complète et cohérente (auto-distributivement) auto-descriptif, et peut donc être identifié théoriquement comme son propre univers ou domaine référent. Théorie et objet portent le même nom car contrairement à la théorie des ensembles ZF ou NBG conventionnelle, le SCSPL infuse hologiquement les ensembles et leurs éléments avec la composante distribuée (syntactique, métalogique) du cadre théorique les contenant et les gouvernant, à savoir la syntaxe SCSPL elle-même, remplaçant les objets ordinaires de la théorie des ensembles par des opérateurs syntactiques SCSPL. Le CTMU est ainsi nommé parce que l’univers SCSPL, comme l’ensemble de tous les ensembles, incarne distributivement la syntaxe logique de son propre langage mathématique descriptif. Il n’est donc pas seulement de nature auto-descriptive; là où la logique désigne les règles de la cognition (raisonnement, inférence), elle est également autocognitive.

Un acte est un processus temporel et l’auto-inclusion est une relation spatiale. L’acte d’auto-inclusion est donc « là où le temps devient espace »; pour l’ensemble de tous les ensembles, il ne peut y avoir de processus plus fondamental. Quoi qu’il arrive d’autre dans l’univers en évolution, il doit être temporellement intégré dans cette opération d’auto-inclusion dualiste. Dans le CTMU, le processus d’auto-inclusion est connu sous le nom de conspansion et se produit au taux de conspansion distribué Lorentz-invariant c, un facteur de conversion espace-temps déjà connu sous le nom de vitesse de la lumière in vacuo (la conspansion consiste en deux phases alternatives comptabilisant les propriétés des ondes et des particules de la matière et fournissant une explication logique à l’accélération de l’expansion cosmique). Lorsque nous imaginons un ensemble auto-incluant dynamique, nous pensons à un ensemble grossissant de plus en plus pour s’engloutir de l’extérieur. Mais comme il n’y a pas d’« extérieur » relatif à l’univers réel, la croissance externe ou la référence n’est pas une option; il ne peut y avoir d’ensemble externe ou de descripteur externe. Au lieu de cela, l’auto-inclusion et l’auto-description doivent se produire intérieurement lorsque l’univers se stratifie en une séquence temporelle d’états, chaque état topologiquement et calculatoirement contenu dans celui qui le précède (où le terme de calcul conventionnellement limité est compris comme faisant référence à un concept plus puissant basé sur le SCSPL, le protocalcul, impliquant le parallélisme spatiotemporel). Au niveau actuel du discours, cette auto-inclusion intérieure est la base conspansive de ce que nous appelons l’espace-temps.

Chaque objet dans l’espace-temps inclut la totalité de l’espace-temps en tant que syntaxe de transition d’état selon laquelle son état suivant est créé. Cela garantit la cohérence mutuelle des états et l’unité globale de l’entité dynamique qu’est l’univers réel. Et parce que la seule interprétation réelle de l’entité de la théorie des ensembles « l’ensemble de tous les ensembles » est l’univers réel tout entier, les paradoxes fondateurs associés sont résolus par nature (en attribuant une structure mathématique comme celle de l’univers à la version pure et non interprétée de la théorie des ensembles de l’ensemble de tous les ensembles). Succinctement, la résolution du paradoxe de l’ensemble de tous les ensembles nécessite que (1) une cartographie d’endomorphisme ou d’auto-similitude D:S→r∈S soit définie pour l’ensemble de tous les ensembles S et ses points internes r; (2) il existe deux sens complémentaires d’inclusion, un topologique [S ⊃t D(S)] et un prédicatif [D(S) ⊃d S], qui permettent à l’ensemble de « s’inclure lui-même » de manière descriptive de l’intérieur, c’est-à-dire d’un état d’auto-inclusion topologique (où ⊃t désigne l’inclusion topologique ou théorique des ensembles et ⊃d désigne l’inclusion descriptive, par exemple l’inclusion dans un language de ses référents); et (3) l’entrée S de D soit globale et structurelle, tandis que la sortie D (S) = (r ⊃d S) soit interne à S et joue un rôle syntactique. En bref, les incarnations théoriques d’ensemble et cosmologiques du paradoxe de l’auto-inclusion sont résolues en reliant correctement l’objet auto-inclusif à la syntaxe descriptive en fonction de laquelle il est nécessairement exprimé, effectuant ainsi un véritable auto-confinement : « l’univers (ensemble de tous les ensembles) est ce qui contient topologiquement ce qui contient descriptivement l’univers (ensemble de tous les ensembles). »

Cela caractérise un système qui se perçoit constamment et développe sa propre structure de l’intérieur via hologie, une forme d’auto-similitude en deux étapes à peu près analogue à l’holographie. (L’hologie est une forme logico-cybernétique d’auto-similitude dans laquelle la structure globale d’un système autonome et auto-interactif se double de sa syntaxe auto-transductive distribuée; elle est justifiée par le fait évident que dans un système autonome, aucune autre structure n’est disponible à cet effet.) La cartographie conspansive associée D est appelée incoversion dans la direction spatio-temporelle intérieur et coinversion dans la direction inverse (extérieur, D-1). L’incoversion porte la structure globale vers l’intérieur en tant que syntaxe de reconnaissance d’état et de transformation d’état, tandis que la coinversion projette la structure syntactique vers l’extérieur de manière à reconnaître la structure existante et à déterminer les états futurs en conformité avec elle. L’incoversion est associée à une opération appelée requantisation, tandis que la coinversion est associée à une opération complémentaire appelée expansion interne. L’alternance de ces opérations, souvent appelée dualité onde-particule, comprend le processus de conspansion.
Le Principe de Dualité Conspansive dit alors que ce qui apparaît comme une expansion cosmique d’un point de vue intérieur (local) apparaît comme une contraction matérielle et temporelle d’un point de vue global. Parce que les concepts métriques comme la « taille » et la « durée » ne sont pas définis par rapport à l’univers dans son ensemble, la métrique de l’espace-temps est définie strictement intrinsèquement, et la limite habituelle de la régression cosmologique, une singularité cosmique ponctuelle, devient l’algèbre fermée de l’espace-temps déjà identifiée en tant que SCSPL.

Ainsi, l’univers réel n’est pas un ensemble statique, mais un processus dynamique résolvant le paradoxe de l’auto-inclusion. De manière équivalente, parce que toute explication réelle de la réalité est contenue dans la réalité elle-même, la réalité donne lieu à un paradoxe à moins qu’elle ne soit considérée comme une auto-cartographie inclusive. C’est pourquoi, par exemple, la théorie des catégories est de plus en plus préférée à la théorie des ensembles comme moyen d’aborder les fondements des mathématiques; elle se concentre sur des relations invariantes ou des correspondances entre des objets covariants ou contravariants (liés dualement) plutôt que sur des objets statiques eux-mêmes. Pour des raisons similaires, une focalisation sur les invariants relatifs des processus sémantiques est également bien adaptée à la formulation de théories évolutives dans lesquelles les définitions des objets et des ensembles sont sujettes à changement; ainsi, on peut parler du temps et de l’espace comme équivalents à la cognition et à l’information par rapport aux processus de relation sémantique invariants, comme dans « l’espace des processus temporels » et « la cognition traite l’information ». Mais lorsque nous définissons la réalité comme un processus, nous devons reformuler le confinement en conséquence. En résumé, la théorie de la réalité devient une étude de l’autologie SCSPL naturellement formulée en termes de correspondances. Cela se fait en joignant à la logique certains principes métalogiques, formulés en termes de correspondances, qui permettent de décrire la réalité comme un système autologique (auto-descriptif, auto-reconnaissant/auto-traitant).

Le premier de ces principes est le MAP, acronyme de Principe d’Autologie Métaphysique. Soit S l’univers réel, et soit T = T(S) sa description théorique ou « TDT ». Le MAP, conçu pour doter T et S d’une fermeture mathématique, établit simplement que T et S sont fermés par rapport à toutes les opérations pertinentes en interne, y compris la reconnaissance et la description. En termes de correspondances, cela signifie que toutes les correspondances inclusives ou descriptives de S sont des automorphismes (par exemple, des permutations ou des pliages) ou des endomorphismes (auto-injections). Le MAP est impliqué par la portée illimitée, jusqu’à la pertinence perceptuelle, du quantificateur universel implicitement attaché à la réalité par le principe de confinement. Une fois la fermeture ainsi établie, nous pouvons appliquer des techniques de réduction logique à S sans se soucier de savoir si l’absence d’une nécessité externe quelconque gâchera la réduction. En effet, le MAP rend T(S) « suffisamment exclusif » pour décrire S en excluant en tant que descripteur de S tout ce qui n’est pas dans S. Mais il reste la nécessité de fournir à S un mécanisme d’auto-description.

Ce mécanisme est fourni par un autre principe métalogique, M = R ou Principe Mind Equals Reality, qui identifie S à la syntaxe cognitive étendue D(S) du théoricien. Cette syntaxe (système de règles cognitives) détermine non seulement la perception de l’univers du théoricien, mais limite ses processus cognitifs et est finalement la limite de sa théorisation (cela se rapporte à l’observation que tout ce que nous pouvons connaître directement de la réalité sont nos perceptions de celle-ci). Le raisonnement est simple; S détermine la composition et le comportement des objets (ou sous-systèmes) s dans S, et comprend ainsi la syntaxe générale (règles structurelles et fonctionnelles de S) dont s obéit à une restriction spécifique. Ainsi, où s est un observateur/théoricien idéal dans S, S est la syntaxe de sa propre observation et explication par s. Ceci est directement analogue à « l’univers réel contient tout et seulement ce qui est réel », mais autrement dit: « S contient tous et seulement les objets s dont la syntaxe étendue est isomorphe à S ». M = R identifie S avec la limite véridique de toute théorie partielle T de S [limT (S) = D (S)], rendant ainsi S « suffisamment inclusif » pour se décrire lui-même. Autrement dit, rien de pertinent pour S n’est exclu de S ≅ D(S).

Mathématiquement, le principe M = R est exprimé comme suit. L’univers a évidemment une structure S. Selon la logique décrite ci-dessus, cette structure est auto-similaire; S se distribue sur S, où « se distribue sur S » signifie « existe sans contrainte d’emplacement ou d’échelle dans S ». En d’autres termes, l’univers est un système parfaitement auto-similaire dont la structure globale est reproduite partout en son sein en tant que syntaxe générale de reconnaissance d’état et de transition d’état (au sens calculatoire étendu). L’autodistribution de S, appelée hologie, découle du principe de confinement, c’est-à-dire du fait tautologique que tout dans l’univers réel doit être décrit par le prédicat « réel » et donc rentrer dans les contraintes de la structure globale. Que cette structure soit complètement auto-distribuée implique qu’elle est localement indiscernable pour les sous-systèmes s; il ne peut être discerné que par son absence, et n’est nulle part absent dans S. L’espace-temps est donc transparent de l’intérieur, sa structure syntactique invisible à son contenu au niveau classique (macroscopique). Les systèmes localisés n’expriment et n’utilisent généralement qu’une partie de cette syntaxe à une échelle donnée, comme déterminé par leurs structures spécifiques. C’est-à-dire, là où il existe un endomorphisme hologique d’incoversion D:S→{r∈S} portant toute la structure de S dans chaque point interne et région de S, les objets (quantiquo-géométrodynamiquement) incorporés dans S prennent leurs syntaxes de reconnaissance et de transformation d’état directement du fond spatio-temporel ambiant jusqu’à l’isomorphisme. Les objets n’utilisent donc que les aspects de D(S) dont ils sont des représentations structurelles et fonctionnelles.

L’inverse D-1 de cette carte (coinversion) décrit comment un système local arbitraire s dans S reconnaît S au niveau de l’objet et obéit aux « lois » appropriées, donnant finalement lieu à la perception humaine. Cela reflète le fait que S est un système auto-perceptif, avec divers niveaux d’auto-perception émergeant au sein de sous-systèmes interactifs s (où la perception n’est qu’une forme raffinée d’interaction basée sur la reconnaissance dans un sens calculatoire étendu). Ainsi, par rapport à toute classe {s} de sous-systèmes de S, on peut définir une sous-carte homomorphe de l’endomorphisme D: d:S→{s} exprimant seulement la partie de D à laquelle {s} est isomorphe. En général, les si sont des systèmes cohérents ou physiquement auto-interactifs présentant une fermeture dynamique et informationnelle; ils ont des structures et des dynamiques internes parfois inaccessibles (en particulier à l’échelle quantique), et se distinguent les uns des autres au moyen de frontières informationnelles contenues en syntaxe et comprenant une « métrique d’espace-temps ».

Selon les définitions ci-dessus, l’auto-percepteur global S se prête à une interprétation théologique, et son contenu {s} à des « cogniteurs généralisés », y compris les particules subatomiques, les organismes sensibles et tout système matériel entre les deux. Malheureusement, au-dessus du niveau objet, la validité de la s-cognition – le traitement interne des sous-systèmes sensibles s – dépend de la fonctionnabilité cognitive spécifique d’un s donné… la mesure dans laquelle s peut implicitement représenter des relations d’ordre supérieur de S. En Relativité Générale, S est considéré comme donné et complet; les lois des mathématiques et des sciences sont considérées comme préexistantes. À l’échelle quantique, par contre, les lois gouvernant les états et les distributions de matière et d’énergie n’ont pas toujours des pouvoirs de restriction suffisants pour déterminer pleinement le comportement quantique, nécessitant une augmentation probabiliste au cours de l’effondrement de la fonction d’onde quantique. Cela empêche un s donné, en fait n’importe quoi d’autre que S, de renfermer une nomologie complète (ensemble de lois); alors qu’un ensemble complet de lois équivaudrait à une histoire déterministe complète de l’univers, qualifier l’univers de « complètement déterministe » revient à affirmer l’existence de contraintes déterminantes antérieures. Mais c’est une absurdité logique, car si ces contraintes étaient réelles, elles seraient incluses dans la réalité plutôt qu’antérieures ou extérieures à celle-ci (par le principe de confinement). Il s’ensuit que l’univers détermine librement ses propres contraintes, l’établissement de la nomologie et la création de son contenu physique (observable) étant effectivement simultanés et récursifs. La distribution incoversive de cette relation est la base du libre arbitre, en vertu duquel l’univers est librement créé par des agents sensibles existant en son sein.

Développons un peu. Considérons l’univers comme un système perceptif complètement évolué, incluant toutes les perceptions qui le constitueront en fin de compte. Nous ne pouvons pas connaître spécifiquement toutes ces perceptions, mais dans la mesure où elles sont connectées de manière interactive, nous pouvons nous y référer en masse (NDT en français dans le texte). L’ensemble des « lois » auxquelles l’univers obéit n’est qu’un ensemble minimal de relations logiques qui suffit à rendre ces perceptions non contradictoires, c’est-à-dire mutuellement cohérentes, et un ensemble distribué de lois n’est qu’un ensemble de lois formulées de telle manière que la formulation peut être lu par n’importe quelle partie du système S. Évidemment, pour que les perceptions soient connectées par des lois, les lois elles-mêmes doivent être connectées intérieurement selon une syntaxe, et la syntaxe ultime de la connectivité nomologique doit être globalement valide; quelles que soient les lois à n’importe quel stade de l’évolution du système, toutes les parties de S doivent être capables de les lire sans ambigüité, de les exécuter et d’être appliquées par elles, et de reconnaître et d’être reconnues comme leurs référents (« sans ambigüité » implique que la logique à 2 valeurs est un ingrédient primaire de la nomologie; son implication est décrite par un troisième principe métalogique conçu pour assurer la cohérence, à savoir le MU ou Unité Multiplexe). Cela implique que l’action et le contenu des lois sont fusionnés dans chaque partie du système en une seule quantité (mais à double aspect), l’infocognition. La connectivité et la cohérence de l’infocognition sont maintenues par le raffinement et l’homogénéisation car les langages nomologiques sont remplacés par des métalangages extensionnels afin de créer et/ou d’expliquer de nouvelles données; parce que la « théorie » SCSPL équivaut théoriquement à l’univers réel, ses opérations de « création » et d ‘« explication » causale sont dans une certaine mesure identiques, et l’univers SCSPL peut être considéré comme se créant ou se configurant au moyen d’une « authéorisation » ou « auto-explication ».

La manière la plus simple d’expliquer « connecté » dans ce contexte est que chaque partie du système (au niveau de l’objet) se rapporte à d’autres parties dans une description structurelle globale du système lui-même (pour interpréter les « parties », pensez aux événements plutôt qu’aux objets; les objets sont en un sens définis sur des événements dans un cadre spatio-temporel). Evidemment, toute partie qui échoue à remplir ce critère n’est pas conforme à une description du système et donc n’y est pas incluse, c’est-à-dire n’est pas « connectée » au système (d’un autre coté, si l’on insiste pour qu’elle soit incluse ou connecté, il faudrait alors modifier la description systémique en conséquence). Pour que cette description soit utile, elle doit être au maximum compacte, employant des généralisations prédictives compactes d’une manière régulière appropriée aux catégories structurelles (par exemple, en employant des « lois de la physique » générales). Parce que de telles lois, lorsqu’elles sont formulées de la façon « si les conditions (a, b, c…) existent, alors (X et Y ou Z) s’appliquent », codent la structure de l’ensemble du système et sont universellement applicables en son sein, le système est « auto-distribué ». En d’autres termes, chaque partie du système peut interagir de manière cohérente avec chaque autre partie tout en conservant une identité intégrale selon cette formulation (« TDT »). Les relations spatio-temporelles peuvent être représentées squelettiquement comme des arêtes dans un graphe dont les sommets sont des événements (interactions physiques), c’est-à-dire des « points » d’espace-temps. En ce sens, la connectivité théorique des graphes s’applique. Mais toutes ces connexions au niveau objet doivent elles-mêmes être connectées par des connexions plus basiques, les connexions de base doivent être connectées par des connexions encore plus basiques, et ainsi de suite. Finalement – peut-être plus tôt que tard – nous atteignons un niveau de connectivité de base dont la syntaxe comprend une « nomologie ultime » (partiellement indécidable) pour le niveau de réalité dont nous discutons.

Cette nomologie, et la syntaxe cognitive dans laquelle elle s’exprime, est-elle entièrement incarnée par la matière ? En un sens, la réponse est oui, car S est distribué sur chaque matériau s∈S en tant que syntaxe de réalité D(S). Ainsi, chaque axiome et théorème des mathématiques peuvent être considérés comme implicites dans la syntaxe matérielle et potentiellement illustrés par un modèle matériel approprié, par ex. un déclenchement de neurones cérébraux. Contre l’holisme – l’idée que l’univers est plus que la somme de ses parties – on peut en outre objecter que l’entité holistique en question est toujours un ensemble matériel, insinuant ainsi que même si l’univers n’est pas la « somme » de ses parties, c’est encore une fonction déterminée de ses parties. Cependant, cela échoue à expliquer la cohérence mutuelle des syntaxes d’objets, sans l’application desquelles la réalité se désintégrerait en raison d’une incohérence perceptuelle. Cette fonction d’application prend la matière pour son argument et doit donc être resitué dans l’espace-temps lui-même, le substrat universel dans lequel la matière est inconditionnellement incorporée (et comme une excitation géométrodynamique ou quantiquo-mécanique par laquelle la matière est expliquée). Ainsi, l’arrière-plan a une ascendance logique sur la matière dérivée, et cela lui permet d’avoir des aspects, comme le pouvoir d’imposer la cohérence, non exprimables par des interactions localisées d’objets matériels compacts (c.-à-d., dans les limites du matérialisme comme invoqué à propos d’un manque putatif de  » preuve matérielle  » pour Dieu, à l’exclusion de tout l’univers matériel).

D’un autre côté, la syntaxe cognitive pourrait-elle résider dans un domaine externe « idéal » analogue au monde de Platon des formes Parménidiennes ? La réalité abstraite idéale de Platon est explicitement mise à part de la réalité concrète réelle, la première étant un monde éternel de pure forme et lumière, et la seconde consistant en une grotte sur les murs sales de laquelle se déplacent les ombres sombres et contaminées du monde idéal au-dessus. Cependant, si elles sont à la fois séparées et en correspondance mutuelle, ces deux réalités occupent toutes deux une réalité commune plus fondamentale, imposant la correspondance et fournissant la métrique de séparation. Si cette réalité plus fondamentale est ensuite juxtaposée à une autre, il doit y avoir alors une réalité plus fondamentale encore, et ainsi de suite jusqu’à ce que nous atteignions finalement le niveau le plus basique de tous. À ce niveau, il n’y aura (par définition) pas de séparation entre les phases abstraite et concrète, car il n’y aura plus de réalité fondamentale pour la fournir ou imposer à travers elle une correspondance à distance. C’est le terminus logique inévitable de la « régression de Platon ». Mais c’est aussi la réalité spécifiée par le principe de confinement, dont la portée du quantificateur universel est illimitée jusqu’à la pertinence perceptuelle ! Puisqu’il est absurde d’adopter une hypothèse dont l’extension logique naturelle est une négation de cette hypothèse, il faut supposer que le plan idéal coïncide avec celui-ci… mais encore une fois, pas d’une manière nécessairement accessible aux opérations physiques identifiables. Au contraire, la réalité physique est incorporée dans une réalité idéale plus générale ou « abstraite » équivalant à la syntaxe de réalité D(S), et la syntaxe D(S) est à son tour incorporée dans la réalité physique par incoversion. Ainsi, si D(S) contient des composants supraphysiques, ils sont intégrés dans S directement avec leurs équivalents physiques (en effet, cette convention est déjà en usage restreint dans la théorie des cordes et la théorie M, où des dimensions supérieures invisibles sont « enroulées » à un diamètre sous-Planck).

Qu’est-ce que cela dit sur Dieu ? Premièrement, si Dieu est réel, alors Dieu est inhérent à la syntaxe globale de la réalité, et cette syntaxe est inhérente à la matière. Ergo, Dieu est inhérent à la matière, et en fait à son substrat d’espace-temps tel que défini aux niveaux matériel et supramatériel. Cela revient au panthéisme, la thèse que Dieu est omniprésent par rapport à l’univers matériel. Or, si l’univers était pluraliste ou réductible à ses parties, cela ferait de Dieu, qui coïncide avec l’univers lui-même, une entité pluraliste sans cohésion interne. Mais parce que la cohérence syntactique mutuelle des parties est imposée par une variété holistique unitaire avec un ascendant logique sur les parties elles-mêmes – parce que l’univers est une entité monique d’aspect double consistant en une infocognition essentiellement homogène et auto-cohérente – Dieu conserve l’unité monothéiste malgré sa distribution sur la réalité dans son ensemble. Ainsi, nous avons un nouveau type de théologie qui pourrait être appelé monopanthéisme, ou même plus descriptivement, holopantheisme. Deuxièmement, Dieu est en effet réel, car une entité cohérente identifiée à un univers auto-perceptif est de nature auto-perceptive, ce qui lui confère divers niveaux de conscience de soi et de sensibilité, ou d’intelligence créative constructive. En effet, sans une Entité directrice dont la conscience de soi équivaut à la cohérence de l’espace-temps auto-perceptif, un univers auto-perceptif ne pourrait s’auto-configurer de manière cohérente. L’holopantheisme est le parapluie logique et métathéologique sous lequel les grandes religions de l’humanité se situent sans le savoir.

Pourquoi, s’il existe un métalangage spirituel dans lequel établir la fraternité de l’homme par l’unité de la sensibilité, les hommes sautent-ils perpétuellement à la gorge les uns les autres ? Malheureusement, la plupart des cerveaux humains, qui comprennent un sous-ensemble particulier hautement évolué de l’ensemble de tous les sous-systèmes de réalité, ne se déclenchent pas dans un isomorphisme-S strict bien au-dessus du niveau objet. Lorsque nous définissons un aspect de « l’intelligence » en tant que quantité de structure globale représentée fonctionnellement par un s∈S donné, les cerveaux de faible intelligence sont généralement en désaccord avec la syntaxe globale D(S). Cela limite leur capacité à former de vraies représentations de S (réalité globale) par autologie syntactique [d(S) ⊃d d(S)] et à faire des calculs éthiques rationnels. En ce sens, la vaste majorité des hommes ne sont pas assez bien équipés, conceptuellement parlant, pour former des visions du monde et des sociétés parfaitement rationnelles; ils sont déficients en éducation et en intellect, bien que rattrapables dans la plupart des cas. C’est pourquoi la force a régné dans le monde de l’homme… pourquoi la force a toujours raison, malgré sa tendance marquée à violer l’optimisation de l’utilité globale dérivée de la sommation des agents sensibles de S par rapport à l’espace et au temps.

Maintenant, en employant une force meurtrière pour gouverner leurs semblables, les pires éléments de l’humanité – les bouchers, les transgresseurs, c’est-à-dire ceux dont certains dirigeants et politiciens modernes ne sont que des copies légèrement châtiées – ont commencé à envisager des moyens de maintenir leur pouvoir. Ils ont allumé la religion, dont un sacerdoce autoritaire peut être utilisé pour définir les esprits et les actions d’une population pour ou contre un aspect donné du statu quo politique. D’autres, jaloux du pouvoir ainsi consolidé, ont commencé à utiliser la religion pour rassembler leurs propres « moutons », promettant des droits spéciaux à ceux qui les rejoindraient… des promesses mutuellement contradictoires plaçant maintenant les promesses à la gorge de l’autre.

Mais bien que la religion ait souvent été employée pour le mal par des cyniques appréciant sa puissance, plusieurs choses méritent d’être notées. (1) L’abus de religion et le concept de Dieu ont toujours été motivés par la politique humaine, et personne ne peut justifier de blâmer le concept de Dieu, qu’il le considère ou non comme réel, pour les abus commis par des hommes mauvais en son nom. Abusus non tollit usum. (2) Une religion doit fournir au moins une utilité émotionnelle à ses croyants, et toute religion qui résiste à l’épreuve du temps l’a manifestement fait. (3) Une religion crédible doit contenir des éléments de vérité et d’indécidabilité, mais pas d’éléments qui sont vraisemblablement faux (car cela pourrait être utilisé pour renverser la religion et ses sponsors). Donc par conception, les croyances religieuses ne peuvent généralement pas être réfutées par des moyens rationnels ou empiriques.

L’inverse s’applique-t-il ? Un déni de Dieu peut-il être réfuté par des moyens rationnels ou empiriques ? La réponse courte est oui; la réfutation suit le raisonnement exposé ci-dessus. Autrement dit, le raisonnement ci-dessus ne constitue pas simplement un cadre logique pour la théorie de la réalité, mais le contour d’une preuve logique de l’existence de Dieu et la base d’une « théologie logique ». Bien que le cadre serve également à d’autres fins utiles, p. ex. l’analyse de l’esprit et de la conscience, nous les conserverons pour une autre fois.

Dernière révision de la traduction le 24/08/2024.